4 stratégies pour résister à des systèmes oppressifs

C’est toujours difficile de résister à des systèmes dominants et oppressifs. Il y a des jours où tu peux te sentir impuissant·e, durant lesquels tu as peut-être l’impression de ne pas en faire assez, de ne pas faire la bonne chose.

Mais aujourd’hui, j’ai envie de te partager de l’espoir et de te rappeler que ce que tu fais est important, même les jours où t’as l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau. 

Je te parle de 4 techniques pour résister à des systèmes oppressifs quand on a l’impression que nos actions ne servent à rien, tiré de l’article How to be an Anticapitalist Today du sociologue Erik Olin Wright.

Cet article-là a changé ma perception de moi-même, et j’espère que tu vas en tirer quelque chose d’intéressant pour toi aussi.

Mets ça dans tes oreilles! 

 

Le capitalisme a-t-il des bons côtés?

Avant de parler d’anticapitalisme, il faut que j’adresse les arguments de ceux et celles qui trippent sur le système.

Leurs arguments reposent sur le fait que le capitalisme a apporté des choses positives:

  • de nombreuses innovations technologiques
  • une augmentation de la productivité
  • l’accessibilité aux biens de consommations pour la plupart des gens
  • une espérance de vie plus longue
  • un taux de mortalité infantile plus bas

Et quand on regarde ce qui se passe en Russie ou en Chine sous des régimes communistes, c’est vrai que ça donne pas envie. Non seulement il y a énormément de répression, mais en plus on peut pas dire que ce sont des succès économiques.

Donc pourquoi dire que le capitalisme est un échec?

Parce que y’a pas de raisons que la pauvreté existe dans des sociétés où elle pourrait être facilement éradiquée. Ça pas de bon sens que l’avancée du capitalisme entraîne une précarité pour ceux et celles qui se trouvent “au bas de l’échelle” du monde du travail, pour ceux et celles qui ont les emplois les plus exigeants physiquement et aliénant psychologiquement. Ça n’a pas de sens que des gens qui travaillent 40 heures par semaine (et même plus!) n’arrivent pas à vivre confortablement.

La capitalisme accroît les inégalités, et détruit l’environnement.

Donc, pour ceux et celles qui sont frileux et frileuse à dire que le capitalisme c’est de la marde, est-ce qu’on pourrait se dire que jusqu’ici, le capitalisme a apporté certains bons côtés, mais que, si on considère le ici et maintenant, on est dû pour un changement?

Je me demande si on est pris dans le “sunk cost” du capitalisme? On a tellement investi comme société dans ce système-là qu’on se dit “on peut pas arrêter maintenant, desfois que…”

Est-ce qu’on pourrait pas lui dire merci (à ceux et celles à qui ça fait plaisir), mais au revoir?

Est-ce qu’on pourrait AUSSI se dire aussi que l’idée d’un État autoritaire et d’une centralisation des pouvoirs, c’est pas la seule autre alternative?

L’argument de Erik Olin Wright, un sociologue américain, c’est que non seulement c’est possible de créer un autre monde, mais qu’il est en train de se créer en ce moment même.

 

4 façons de résister à un système oppressif

Pour Olin Wright, l’anticapitalisme prends 4 formes: smashing, taming, escaping et eroding. T’inquiète pas, je te vulgarise tout ça.

 

1. Détruire le système – Smash

Étant donné que les riches protègent leurs propres intérêts et défendent le statu quo, l’idée de détruire, de “smasher”, le système est séduisante. Les adeptes du “smash the capitalism” disent en gros: le système est pourri et peu importe la façon qu’on essaie de l’améliorer, ça ne marchera pas. Il faut tout détruire et recommencer.

Les adeptes de la destruction du capitalisme s’entendent pour dire que, périodiquement, il va y avoir des périodes de crise dans le système et que ces moments de vulnérabilité vont être de bons moments pour faire tomber ledit système. Il va donc falloir qu’à ce moment-là il y ait un parti révolutionnaire qui soit capable d’aller rejoindre assez d’adeptes pour prendre le contrôle de l’État, puis pour réformer l’État afin d’en faire un outil socialiste.

Sauf qu’il va toujours y avoir des amoureux et amoureuses de l’ancien système, les anciennes classes dominantes, qui vont chercher à reprendre leur pouvoir, et ça va créer un climat d’instabilité et de violence.

C’est ce qui c’est passé dans certaines tentatives de révolution anticapitaliste. Oui, iels ont réussi à brûler le système, mais iels n’ont pas réussi à créer un monde idéal égalitaire et en paix comme ils espéraient.

Dans son article, Olin Wright dit “C’est une chose de brûler les anciennes institutions, c’en est une autre de construire de nouvelles institutions émancipatrices à partir des cendres.”

Même si ce ne sont des options viables, les “smash the capitalism”, “smash the patriarchy”, etc, ça exprime la frustration et  la colère, de vivre dans un monde où il y a des inégalités et des injustices. C’est nécessaire et valide.

Mais la colère est souvent insuffisante pour apporter des transformations durables. Si on reste dans la colère, on va peut-être aussi donner des arguments aux amoureux du système qui vont dire “les militants et militantes, c’est juste des frustré·es.”

Brûler le système, c’est pas la seule chose à faire. C’est pour ça qu’il y a d’autres formes de résistance.

 

2. Dompter le système – Tame

Cette stratégie-là, c’est celle qui est portée par les partis politiques sociaux-démocrates. On pense à Québec Solidaire, entre autres.

Ceux et celles qui adoptent la stratégie de dompter le capitalisme disent que quand le capitalisme est laissé sans supervision, il amène des choses horribles comme la destruction de la planète, les travailleurs et travailleuses mis à risque d’accidents de travail, les inégalités, etc.

Plutôt que de penser qu’il faut complètement détruire le système, iels proposent de mettre en place des outils pour contrer les effets négatifs du capitalisme. On pense entre autres à l’encadrement des droits des entreprises sur les ressources naturelles, la mise en place de programmes de santé et sécurité au travail, le bien-être social, une certaine redistribution des richesses via les taxes, l’accès à un système de santé gratuit, etc.

Mais pour que ça fonctionne, ça prend encore l’engagement politique et la mobilisation de la population. Parce qu’on est tous et toutes d’accord, on ne peut pas se fier sur l’élite financière pour faire preuve de gros bons sens et de bon vouloir.

En gros, cette stratégie-là, c’est comme un médicament qui traite efficacement les symptômes plutôt que les causes sous-jacentes d’un problème de santé. Ça essaie de garder les avantages du système en venant atténuer ses côtés sombres.

Ça n’a jamais complètement réglé les problèmes, mais ça a relativement fonctionné un certain temps, dans les années 50-60. C’est la mondialisation qui est venue fucker le chien

Maintenant, c’est beaucoup trop facile pour les capitalistes de faire de l’évasion fiscale, de transporter leur production dans des pays où les normes sont plus flexibles, et globalement, d’éviter ce qui a été mis en place pour “dompter le capitalisme.” Et c’est pas juste les grandes entreprises, hein. On voit entre autres des choses comme le livre Nomad Capitalist qui apprend aux entrepreneurs et entrepreneuses à faire “légalement” de l’évasion fiscale.

 

3. Fuir le système – Escape

Ceux et celles qui choisissent de fuir le capitalisme se disent que le système est trop puissant et qu’il ne peut pas être détruit. C’est irréaliste de penser qu’on peut y jouer un rôle, donc on va simplement se déconnecter complètement du système afin d’éviter d’en subir les dommages.

Ça inclut les gens qui développent des modes de vie autosuffisants ou qui se construisent une vie en marge de la société. Je pense par exemple aux communautés amish ou zapatistes.

Ça inclut aussi les gens qui décident de façon individuelle de se retirer du système. Ce sont les cas les plus extrêmes, mais la fuite du capitalisme peut aussi s’exprimer par le choix d’adopter un mode de vie de simplicité volontaire, de minimalisme, etc.

C’est marqué par une absence de volonté politique de changement. En résumé, c’est une solution qui ne vise pas à changer le monde, mais plutôt à s’en retirer.

Évidemment, ce n’est pas une solution qui convient à tout le monde. Je sais pas pour toi, mais moi, devenir Amish ça me tente pas pantoute.

Et à mon avis, ça ne règle pas les plus gros problèmes reliés au capitalisme comme l’épuisement des ressources naturelles.

👉🏻 Le sujet de l’anticapitalisme t’intéresse? Écoute l’épisode sur l’entrepreneuriat anticapitaliste, avec Jasmine Touitou.

4. Provoquer le déclin du système – Erode

C’est la position que j’adopte.

En résumé, c’est d’admettre que “tous les systèmes socio-économiques sont des mélanges complexes de plusieurs types de structures, de relations et d’activités économiques. Aucune économie n’a jamais été – ni ne pourra jamais être – purement capitaliste.”, comme le dit Olin Wright.

Pour rappel, le capitalisme, en tant que mode d’organisation de l’activité économique, comporte trois composantes essentielles : 

  1. la propriété privée du capital
  2. la production pour le marché dans le but de réaliser des profits
  3. l’emploi de travailleur·euses qui ne possèdent pas les moyens de production.

Mais même dans notre système capitaliste, il existe déjà des modes d’échange et de production qui ne le sont pas: 

  • l’entraide au sein des relations personnelles pour répondre aux besoins les uns des autres
  • les réseaux et organisations communautaires
  • les coopératives de travail
  • les organisations à but non lucratif
  • etc.

Ce sont toutes des choses qui existent, aujourd’hui et maintenant, à travers le système capitaliste.

L’une des façons d’être anticapitaliste, c’est donc de construire des relations économiques plus démocratiques, égalitaires et participatives dans les espaces et les failles du capitalisme, et de lutter pour faire croître et pour défendre ces espaces.

L’idée d’érosion du capitalisme est que ces alternatives ont le potentiel, à long terme, de prendre de l’ampleur jusqu’à ce que le capitalisme soit évincé de son rôle de système dominant.

L’analogie qui est donnée dans l’article d’Olin Wright, c’est celui de l’introduction d’une plante exotique qui va perturber un écosystème. Si cette plante est assez envahissante, elle va finir par prendre la place des plantes indigènes (du système dominant).

La vision stratégique de l’érosion du capitalisme consiste à introduire les variétés les plus vigoureuses d’activités économiques non capitalistes dans l’écosystème du capitalisme et à les développer.

L'espoir ultime, c’est que nos idées alternatives marchent tellement bien que les gens aient envie, eux aussi, de prendre ce chemin-là. - Annie Picard

Pis ça, ça se fait sur le terrain.

Pour que ça marche, on a besoin d’anti-capitalistes qui font du marketing, d’avocat·es qui apprennent aux gens comment se défendre sans avocat·e, de mécanicien·nes qui partent des coopératives, d’acupuncteurs qui offrent des soins à 20$ tout en étant rentable, de graphistes qui lancent des initiatives inclusives… On a besoin qu’il y ait des gens dans tous les métiers qui font ce qu’on fait.

Je pense que le meilleur moyen de détruire des systèmes, c’est de l’intérieur.

Fack non, je vais pas sortir brûler des chars de police parce que j’ai ben trop peur. 

Je vais non plus devenir Amish.

Mais oui, je vais continuer à voter pour des partis politiques qui font de leur mieux pour atténuer les problèmes en attendant que notre petite armée de plantes envahissantes fasse sa job.

Donc oui, j’ai ma place comme anticapitaliste en marketing. Pis oui, tu as ta place dans whatever ce que tu fais.

Et ensemble, on va continuer à faire chier le système.

 

Mentionné dans l’épisode de podcast

 

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