Prendre soin de soi et de sa communauté. Entrevue avec Félix Dénommé, acupuncteur social

Offrir des soins accessibles via l’acupuncture sociale – Entrevue avec Félix Dénommé

Depuis 1995, la législation québécoise interdisait la pratique de l’acupuncture sociale, mais des acupuncteur·es ont milité pour faire changer ça, et ils ont réussi en automne 2022.

Well done! Ce changement permet à l’équipe de la Clinique d’acupuncture sociale d’Hochelaga d’offrir des services de médecine chinoise abordables et communautaires.

C’est bien beau tout ça, mais as-tu quelque chose à apprendre de ce modèle d’affaires si tu n’es pas acupuncteur·e? Bien sûr que oui!

Mets ça dans tes oreilles!

 

L’importance de l’aspect communautaire pour des soins accessibles

Traditionnellement, les traitements d’acupuncture étaient pratiqués en communauté. Les patient·es recevaient des soins chaque jour jusqu’à atteindre la guérison complète. De nos jours, en Chine, l’acupuncture est encore souvent pratiquée de cette façon. C’est logique, quand on y pense. On ne prendrait pas une seule dose d’antibiotique en espérant que ça règle notre problème. Pour que l’acupuncture soit efficace, il est nécessaire de recevoir plus d’un traitement.

Par contre, c’est difficile d’atteindre cette fréquence de traitements en Amérique du Nord et en Europe où l’acupuncture est majoritairement une pratique privée, où chaque patient·e reçoit son traitement en solo, dans une salle isolée.

Pour que ce soit rentable pour lui ou elle, l’acupuncteur·e doit charger entre 70$ et 120$ par traitement. Rares sont les gens qui ont ce budget pour se payer des traitements de médecine douce sur du long terme!

En acupuncture sociale, les professionnel·les peuvent traiter jusqu’à 6 patient·es en même temps, parfois plus. Non seulement ça permet de mieux amortir les coûts, et donc de pouvoir charger moins cher par traitement, mais en plus, ça permet de vivre l’effet thérapeutique de travailler sa guérison en compagnie d’autres êtres humains.

Une situation gagnante pour tous et pour toutes, right? 

 

[H3] Pourquoi l’ordre des Acupuncteurs du Québec interdisait la pratique de l’acupuncture sociale avant 2022?

Si c’est une si bonne solution, pourquoi l’OAQ l’interdisait?

L’enjeu se situait au niveau de la protection de la confidentialité des patient·es. Assis·es dans des pièces communes, celleux-ci peuvent observer les points d’acupuncture chez d’autres patient·es et ainsi deviner la cause de la consultation.

Bon. Je ne sais pas pour toi, mais moi j’en serai incapable! 🤷🏻‍♀️

Puisque les points d’acupunctures sont très diversifiés et qu’un même point peut être utilisé pour traiter des milliers de différents symptômes, il est en effet difficile de déduire la raison d’une consultation. C’est un des arguments qui a été utilisé par les militants et militantes pour la légalisation de l’acupuncture sociale.

À la clinique où travaille Félix, il y a tout de même quelques mesures mises en place pour respecter la confidentialité:

  • Tout le monde doit signer un document leur demandant de respecter la confidentialité des autres patient·es.
  • La rencontre initiale avec un·e acupuncteur·e se fait en privé.
  • Les acupuncteur·es peuvent utiliser d’autres outils que la parole pour faire leur évaluation, comme l’observation de la langue, la prise du pouls et la palpation abdominale.

Iels dédramatisent les enjeux de confidentialité, car iels veulent créer un sentiment de communauté. Tout le monde ensemble vient prendre soin de soi. 

 

Une échelle de prix, est-ce rentable? 

À la clinique, Félix offre des traitements entre 20$ et 50$. Contrairement à ce que tu pourrais penser, ce n’est pas un organisme à but non lucratif. C’est plutôt une coopérative de travail. L’entreprise coop doit donc être rentable pour assurer sa survie.

Le calcul a été fait: le seuil de rentabilité est de 27$/traitement. Présentement, la clinique reçoit en moyenne 32$/traitement.

 

"Si l’acupuncture est faite de façon sociale à une échelle de prix accessible, le marché cible est immense." - Félix Dénommé

 

Félix a calculé que pour les besoins de la ville de Montréal, il faudrait environ 73 cliniques d’acupuncture sociale qui fonctionnent à énorme volume pour rejoindre toute la clientèle disponible. 

Bref, il ne manque pas de clientèle!

Les personnes qui ont des assurances peuvent payer plus, et ceux qui n’en ont pas peuvent payer moins. Donc, ça s’équivaut. Il faut dire que le seuil de rentabilité bas est aussi rendu possible grâce au modèle coopératif.

 

Une coopérative pour briser l’isolement

Au lieu que chaque acupuncteur·e doive payer son local, les besoins sont mis en commun. L’espace est partagé et les décisions sont prises ensemble. Cette façon de faire permet aux acupuncteur·es de pratiquer leur métier sans passer des heures à s’occuper de l’administration et de la gestion.

Régulièrement, ce genre de cliniques travaille aussi avec une équipe de bénévoles qui s’occupe de la réception en échange de traitements. C’est une façon d’impliquer la clientèle. 

Souvent, les travailleurs et travailleuses de la santé sont isolé·es ou en compétition. Félix ne voulait pas travailler autrement que sous un modèle coopératif. Il voulait travailler avec d’autres travailleurs de la santé. 

“On met nos besoins en commun comme coopérative de travailleurs, et c’est la clinique qui crée cet espace pour que les acupuncteur·es puissent être des acupuncteur·es et pas des travailleurs autonomes ou des gestionnaires.” – Félix Dénommé

 

Un modèle basé sur l’honnêteté de la clientèle 

Lorsque c’est les patient·es qui choisissent le prix de leur traitement, est-ce que ça ouvre la porte à des abus? On m’avait posé une question similaire lors de mon lancement Pay What You Can.  

Pour l’instant, ce n’est pas un problème pour la clinique. Au contraire, les patient·es veulent s’assurer de la survie de l’entreprise. C’est à leur avantage s’iels veulent pouvoir bénéficier de services à long terme.

 

Est-ce un modèle d’affaires applicable à d’autres professions? 

Bien sûr, les fondateurs de la clinique espèrent inspirer d’autres acupuncteur·es. Leur profession leur permet de traiter plus d’un·e patient·e à la fois, puisque ça ne demande pas d’être actif durant tout le traitement, comme c’est le cas pour les massothérapeutes ou les ostéopathes, par exemple.

L’acupuncture sociale étant leur service le plus rentable, ça leur permet de travailler en collaboration avec d’autres professionnels de la santé. Souvent, les cliniques prennent 35% des frais à leurs professionnels. À la clinique d’acupuncture sociale, iels ont pris la décision de prendre un plus petit pourcentage à condition que les traitements soient plus accessibles pour la clientèle. Pour le.la professionnel·le, ça revient au même, mais iel a l’opportunité de rendre ses services plus accessibles.

L’astuce, c’est de trouver un service ou un produit qui a une grande rentabilité, pour ensuite pouvoir avoir l’espace et les ressources nécessaires pour mettre sur pieds des projets moins rentables ou même gratuits.

Aussi, ça n’a pas à être “tout ou rien”. Peu importe ta profession, tu pourrais offrir un produit, un service, ou une journée par semaine, à tarif spécial pour servir ta communauté.

 

Conseils pour prendre soin de soi selon la médecine chinoise

Finalement, je n’ai pas pu m’empêcher de demander à Félix quelques conseils de médecine chinoise pour qu’on puisse prendre soin de nous.  Les voici:

  • Consommer des aliments et des breuvages chauds, surtout le matin. Manger des aliments crus peut affaiblir le système digestif, surtout par temps froid. C’est bien d’opter pour des potages, des bouillons et des compotes. Surtout au petit-déjeuner!
  • Insérer du mouvement chaque jour, comme des exercices simples de qi gong. En cherchant sur YouTube “qigong et la condition de santé pour laquelle tu as besoin d’un coup de pouce”, tu trouveras assurément. 
  • Si tu as accès à un professionnel avec qui tu te sens à l’aise, consulte en acupuncture. 😉

Je nous ai trouvé une courte session de qigong pour le printemps 😌, si le coeur t’en dit!

 

Qui est Félix Dénommé? 

Félix est l’un des cofondateurs de la Clinique d’acupuncture sociale d’Hochelaga, une clinique qui vise à rendre les soins de médecine chinoise les plus accessibles possibles.

Et on parle d’accessibilité au niveau de:

  • la fourchette de prix
  • l’accessibilité pour les personnes en fauteuil roulant
  • et aussi par une solidarité avec des communautés marginalisées

Mentionné dans l’épisode

Connaissais-tu l’acupuncture sociale? As-tu envie d’ajouter un volet communautaire à ton offre de service? Laisse-moi savoir en commentaires.

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