Faire des choix éthique en technologie pour ta sécurité et la planète - Entrevue avec François Pelletier

Faire des choix éthiques en technologie, possible pour une petite entreprise? – Entrevue avec François Pelletier

Est-ce que c’est possible de faire des choix éthiques en technologie si tu as une petite entreprise? Bien sûr! Mais il faut se poser les bonnes questions.

Savais-tu que plusieurs logiciels que tu utilises déjà sont des logiciels libres? D’ailleurs, c’est quoi ça, un logiciel libre, et qu’est-ce que ça a comme impact sur la protection de nos données?

Est-ce qu’on devrait se garder une petite gêne dans nos formulaires d’inscription?

Est-ce que garder toutes tes données sur le Cloud, c’est pire pour l’environnement que de laisser rouler un char 24 heures?

Je reçois François Pelletier pour parler de logiciels libres et de choix éthiques et durables en technologie.

Mets ça dans tes oreilles! 

 

Qu’est-ce qu’un logiciel libre? 

Lorsqu’on parle de choix éthique en technologie, c’est difficile de passer à côté des logiciels libres, ou Open Source en anglais. 

Pour qu’un logiciel soit considéré libre, il doit avoir ces 4 critères: 

  1. Il peut être utilisé par tout le monde pour n’importe quel usage, sans restriction, même commercial
  2. Le code du logiciel est accessible à tous et toutes
  3. Tout le monde a le droit de modifier le code
  4. Les modifications au logiciel peuvent être partagées à la communauté

Les logiciels libres appartiennent à l’humanité. Il faut reconnaître leur historique et ce qui a été fait sur les logiciels par d’autres avant nos propres modifications.

Tu peux monétiser un logiciel libre, mais ce que tu vends, c’est un service de support, pas le logiciel en tant que tel, car celui-ci est accessible gratuitement.

Par exemple, WordPress est un logiciel libre, mais certaines entreprises vendent des thèmes, de l’optimisation, du support pour se servir du logiciel, etc.

 

Est-ce que les logiciels libres, c’est juste pour les geeks? 

Mais non. En fait, tu en utilises probablement déjà sans le savoir. Par exemple, Google Chrome, le navigateur web, est basé à 99% sur un logiciel libre. Le système Android pour les téléphones l’est aussi. VLC, le lecteur de multimédia à l’effigie de Montréal de cône orange, est un autre exemple.

Un logiciel libre n’a pas forcément une interface obscure, pleine de code et impossible à comprendre, tsé.

 

Les avantages éthiques des logiciels libres

Aujourd’hui, la principale raison pour laquelle on veut plus de logiciels libres, c’est pour qu’il y ait un meilleur contrôle de l’utilisation des données. On veut éviter que nos données deviennent des monnaies d’échange sans qu’on en profite nous-mêmes. Et c’est beaucoup plus difficile de cacher ce qui est récolté comme données et ce qui en est fait lorsque tout le monde peut voir le code d’un logiciel. 🤷🏻‍♀️

Aussi, l’un de problème avec les software as a service, c’est-à-dire toutes ces applications web qu’on utilise, c’est que nos données ne nous appartiennent pas. Tout ce que tu as bâti dans ces logiciels est perdu si tu arrêtes de l’utiliser. Donc, tu dois continuer de payer chaque mois pour accéder aux données que tu as toi-même intégrées au logiciel.

Dans l’idéologie du logiciel libre, tes données continuent de t’appartenir. Elles sont dans des formats qui permettent d’être lues par d’autres logiciels. Ainsi, tu n’es pas “otage” d’un software en particulier. Le logiciel libre n’a pas intérêt à ce que ça arrête de fonctionner sur une nouvelle technologie. Il n’y a pas la notion d’obsolescence programmée. 

 

Nos données sont-elles en sécurité lors d’une utilisation normale d’internet?

Selon François, non. Les géants de l’internet vivent présentement en essayant d’aller chercher le plus de données possible sur toutes les informations qu’on y entre. Par exemple, chaque fois qu’une sauvegarde est faite automatiquement, ça veut dire que l’entreprise de qui tu utilises le logiciel a une copie. 

Si on prend Gmail, par exemple, qui crée un brouillon enregistré automatiquement, ça veut dire que Google a même des copies de courriels en ébauche et de choses que nous avons écrites sans les envoyer aux destinataires. Bref, ils savent même quand on s’auto-censure. 😨

Pourquoi c’est grave? 

Parce qu’on ne peut prédire ce que des gens mal intentionnés pourraient faire de nos données personnelles. Même avant internet, le recensement de données personnelles pouvait être dangereux. En Europe, certains pays possédaient des fiches pour chaque citoyen·ne comportant entre autres leur religion et leur adresse. On sait ce que les nazis ont fait de ces informations. 

C’est pour ça que des lois comme le RGPD existent et que les gouvernements sont de plus en plus restrictifs quant aux données qui sont recueillies sur internet.

 

Qu’est-ce qui est éthique dans la récolte et l’utilisation des données? 

François a un truc simple pour répondre à cette question; Est-ce que tu poserais les questions en personne? Bref, oserais-tu demander l’identité de genre ou l’orientation sexuelle de quelqu’un à l’entrée d’une conférence d’affaires? Et si oui, as-tu une bonne raison de le faire? 

Demande-toi quelles sont les informations minimales que tu dois avoir pour livrer ton service. Si tu veux faire une enquête pour dresser un portrait de ta clientèle, fais plutôt un sondage anonyme. Le problème, c’est lorsque l’identité est associée avec les informations. Tu as besoin de savoir combien de personnes font partie d’un certain groupe, et non pas qui. 

Aussi, pose-toi toujours la question: À quoi cette information va me servir?

Avec les lois qui entrent en vigueur, tu dois pouvoir répondre à la question: qu’est-ce que tu fais avec ces données? Tu dois aussi pouvoir complètement effacer les données que tu possèdes sur quelqu’un si cette personne le demande. 

Un serveur de cartes graphiques gros comme ta cuisinière consomme autant qu’une voiture. Si ton serveur roule 24 heures, c’est comme si tu fais rouler une voiture pendant 24 heures. - François Pelletier

 

Et si on parlait de l’empreinte écologique de toutes ces données? 

Si tu gardes des archives “chaudes”, c’est-à-dire que tu peux y accéder en tout temps, l’énergie consommée est énorme! Et ne nous mettons pas. Des données du genre, on a tous et toutes des tonnes: tous nos courriels archivés, nos documents sur Google Drive, nos calendriers Asana d’il y a 4 ans… Ça fait beaucoup.

Pour être plus écologique, le mieux est de stocker tes vieilles données sur un disque dur externe que tu peux garder chez toi plutôt que sur un Cloud. 

Un serveur de cartes graphiques gros comme ta cuisinière consomme autant qu’une voiture. Si ton serveur roule 24 heures, c’est comme si tu fais rouler une voiture pendant 24 heures.  

Aujourd’hui, on est aux prises avec un problème de data hoarding, soit d’accumuler des données dont on ne se servira jamais. François donne l’exemple des photos. Avant, tu prenais 24 photos sur ton film, donc tu les choisissais minutieusement. Maintenant, tu prends 10000 photos et tu les gardes toutes sur un disque dur ou un Cloud, même si la plupart sont pratiquement identiques. 

Idéalement, il faudrait faire preuve de plus de minimalisme numérique. 

 

Quelles actions peut-on faire pour utiliser les données de façon plus éthique et sécuritaire? 

Idéalement, c’est préférable d’utiliser plus de logiciels libres. L’action la plus simple que suggère François, c’est de changer ton navigateur web pour Brave. Il est basé sur Google Chrome, mais ce sont des activistes pour la vie privée qui en sont à l’origine. 

Ensuite, si l’univers des logiciels libres t’intimide, François suggère d’y aller par étape:

 

Premiers pas vers l’utilisation de logiciels libres

  1. Regarde ce que tu utilises comme logiciels, et vérifie ce que tu peux facilement remplacer. Par exemple, remplace la suite Office par Libre Office. Ne commence pas par LE logiciel qui est au coeur de ton travail.
  2. Intéresse-toi à la culture du logiciel que tu utilises. Consulte sa communauté et les forums. 
  3. Commence à essayer Linux en mode live si tu es sur PC. (Il te faudra peut-être un petit coup de main de ton ami geek pour le mettre en place.😆)
  4. Finalement, participe à la communauté. Et ça ne veut pas uniquement dire de programmer! Soumettre un rapport de bug, participer à une traduction, etc. C’est aussi s’impliquer dans le logiciel libre.

Participer est d’autant plus important pour les femmes et personnes non-binaires parce que la communauté du logiciel libre est à 97% masculine! Il y a un gros travail d’inclusion à faire.

 

Qui est François Pelletier?

François est un geek passionné par les données, mais particulièrement par l’humain derrière les données. Il est spécialiste de l’analyse du langage et expert des bases de données. Il peut entre autres analyser des milliers de publications LinkedIn pour découvrir ce que les gens pensent d’une entreprise ou pour voir si elle respecte sa ligne éditoriale.

Bref, il analyse les données disponibles pour permettre aux gens de prendre de meilleures décisions d’affaires.

Il milite aussi pour les droits des utilisateurs et utilisatrices de technologie. Il veut s’assurer que les données qui sont recueillies sur le web le sont de façon éthique et sécuritaire.

Et il est convaincu qu’on peut reprendre le contrôle sur nos données, notamment grâce au logiciel libre. Tu peux l’écouter parler de technologie sur son podcast Aires Communes. 

 

Mentionné dans l’épisode de podcast

 

Est-ce que cet épisode t’a fait réfléchir sur ton utilisation de la technologie et comment tu récoltes les données? Partage-moi tes réflexions en commentaires.

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