Comment mettre un prix sur l'intangible, avec Véronique Buist

Comment mettre un prix sur l’intangible? – Entrevue avec Véronique Buist

Vendre des services lorsque les bénéfices sont majoritairement intangibles, c’est difficile. Imagine si tu devais mettre un prix sur quelque chose d’aussi subjectif que l’art. 

Qu’est-ce que ton entreprise a en commun avec l’art au niveau du pricing

Est-ce que la façon dont tu te présentes et que tu te perçois influence le montant que tu peux demander pour le travail que tu effectues? Ou est-ce que le prix est plutôt fixé par les objectifs que tu souhaites atteindre? 

Pour parler de comment mettre un prix sur l’intangible, j’ai reçu Véronique Buist, artiste visuelle. 

Mets ça dans tes oreilles!

 

3 méthodes de tarification

Lorsque vient le temps d’apposer un prix sur un produit ou un service, trois méthodes de tarification (ou de pricing) reviennent le plus souvent. Commençons par les expliquer avant d’analyser si ces méthodes peuvent être utilisées lorsqu’on parle d’intangible.

 

Le cost plus

La méthode “cost plus” consiste à fixer le prix d’un produit ou d’un service en ajoutant une marge de profit au prix coûtant. En résumé, il s’agit de calculer le prix des matériaux, logiciels, main-d’œuvre, livraison, etc, puis de majorer le prix pour faire un profit.

Elle est souvent utilisée dans les entreprises manufacturières ou les magasins de revente, où les coûts de fabrication ou d’achat des fournitures sont un facteur important dans la détermination des prix.

Évidemment, dans certains domaines, comme le milieu artistique, c’est absurde de réfléchir au pricing de cette façon-là. 

Le calcul mathématique n’est pas viable parce qu’il ne tient compte uniquement que des facteurs tangibles, sans prendre en compte les subtilités de l’intangible.

 

Le taux horaire

Bien que ce soit une des méthodes de pricing les plus communes, la tarification horaire ne fait souvent aucun sens. 

Plus tu deviens exper·te et rapide à effectuer ton travail, moins tu y consacres de temps, et donc moins c’est rentable pour toi. Tu ne bénéficies pas de ta propre expertise. 🤷🏻‍♀️

Le tarif horaire ne tient pas la route non plus parce qu’il est difficile de compter les heures liées à un travail créatif. La réflexion, les influences extérieures, la manière dont un projet influence les autres ne s’appliquent pas à un seul mandat. Pourtant, ça fait partie du travail et c’est nécessaire à sa réalisation. 

Bref, c’est absurde de calculer les heures de travail, surtout pour un travail créatif. 

 

Le pricing de valeur

On peut alors se tourner vers le pricing de valeur, qui prend en compte les bénéfices tangibles et intangibles d’un produit ou d’un service. Malgré que ce soit la méthode de tarification la plus adéquate pour beaucoup de produits et de services, l’art reste en zone grise.

Comment mettre une valeur sur une émotion ressentie? Celle qu’on a quand on regarde une œuvre? 

 

Comment déterminer le prix d’une œuvre d’art ou d’un bénéfice intangible?

Notre discussion à Véro et moi nous a amené à déterminer une liste de facteurs qui doivent être pris en compte:

  • Les matériaux et le temps passé activement sur un projet – Ceux-ci ne peuvent pas être complètement retirés de l’équation.
  • La démarche créative – La réflexion et le travail de formation et d’éducation.
  • Ta satisfaction face au prix demandé – Es-tu à l’aise de recevoir ce montant pour ton œuvre?
  • L’écosystème dans lequel tu évolues – Le médium que tu utilises, ta notoriété, les autres artistes et tes autres œuvres.
  • Ton positionnement – Comment te perçois-tu et comment souhaites-tu être perçu·e par le public ou la clientèle.

Le dernier point mérite d’être approfondi.

 

Ton positionnement – Exécutant·e versus expert·e

Pour augmenter tes prix, tu dois toi-même te positionner comme expert·e ou comme artiste, au-delà de ton médium. 

Si tu travailles la céramique, tu peux créer un objet utilitaire ou tu peux créer une sculpture qui sera exposée dans les galeries et les musées. Ce n’est pas le médium qui dicte le prix, mais ton positionnement. 

Au fond, c’est la façon dont tu décides de te présenter. 

Faire quelque chose à temps partiel ou faire quelque chose qui t’amuse ne devrait pas influencer la valeur que tu attribues à ton travail. 

Ensuite, ce positionnement influence la valeur perçue dans l’œil du public. C’est subjectif et sentimental, particulièrement pour le pricing de l’art. 

C'est un équilibre entre vendre mon travail et continuer de le rendre accessible en l'exposant. Pour me mettre en action, je me pose la question: "cest quoi mon objectif avec ce projet?" Je pars de là et ensuite j'ajuste au besoin. - Véronique Buist

 

La notion d’acquisition de l’art 

Dans son livre Ajoute un zéro, Alexandra Martel affirme que  “Quand un client te dit que tes prix sont trop élevés, 99% du temps c’est parce qu’il n’attache pas suffisamment de valeurs à ton expertise pour payer le prix demandé.”

Nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec cette affirmation, parce qu’on ne peut pas simplement attribuer une valeur à quelque chose sans prendre en considération le prix qui PEUT être payé par la clientèle. 

On peut attacher beaucoup de valeur à un objet ou à un service, tout en étant dans l’impossibilité d’en faire l’acquisition. On va au musée pour apprécier l’art, mais on n’est pas en train de  trouver moins de valeur aux œuvres parce qu’on ne peut pas les acheter. 

Véronique trouve l’équilibre entre rendre son travail visible et vivre de son art grâce à une diversité d’action. C’est important pour elle que ses œuvres soient exposées afin d’en faire profiter ceux et celles qui ne peuvent pas en faire l’acquisition.

On n’est pas obligé de tout posséder pour vivre. 

Comme entrepreneur·euses, tu peux aussi te poser la question: souhaites-tu que ton travail soit accessible au plus grand nombre ou souhaites-tu être acquis·e au prix maximum?

 

Qu’est-ce que les entrepreneur·euses peuvent appliquer du pricing artistique? 

  • Respecter la lenteur et l’unicité du travail. On n’adopte pas uniquement le produit d’un travail, mais aussi tout ce que ça représente.
  • Considérer la valeur du processus.
  • Porter une attention particulière au positionnement
  • Ne pas oublier nos éléments distinctifs par rapport à notre compétition

 

Qui est Véronique Buist? 

Véronique est une artiste multidisciplinaire qui travaille principalement le papier et la broderie. Elle s’inspire beaucoup des paysages qui l’entourent, que ce soit la nature ou la ville, pour créer ses œuvres. Elle a été exposée au Québec et en Ontario, en France, en Belgique et au Portugal.

Sa plus récente série, balise, est une collaboration avec le public. Elle a demandé au public des photos de différents points de vue de leurs quartiers, et elle a ensuite interprété leurs photos. C’est un projet qui est devenu communautaire et très relationnel avec les participants et participantes.

 

Mentionnés dans l’épisode

 

Dis-moi, comment peux-tu appliquer ces réflexions à ta propre tarification? 

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