C’est le premier épisode de la saison 2 et je parle du fameux dicton “pas d’ami·es en affaires”, et de pourquoi ça peut être préférable d’offrir un cadeau à ta clientèle plutôt qu’un rabais. On commence ça en force en parlant de normes sociales et de normes du marché!
Mets ça dans tes oreilles!
Imagine que c’est l’anniversaire de ton ami·e. Pour faire plaisir, tu organises une fête surprise avec les membres importants de sa famille, ses autres ami·es, et tu prépares un souper. Tu fais vraiment de ton mieux: entrée froide, entrée chaude, plat principal, dessert fait maison, bouteilles de vin. T’es pas cheap, là!
À la fin du repas, ton ami·e te remercie, et te demande combien elle te doit. 200$? 300$? 400$?
Imagine le malaise.
Pourtant, il y a des gens qui sont payés pour organiser des événements. Y’a des chefs à la maison dont c’est le travail de préparer des repas pour des groupes. C’est pas des services pour lesquels c’est “bizarre” de payer. En plus, le montant offert est raisonnable, hein, ton ami·e n’a pas offert 5$.
Pourquoi ce serait aussi malaisant dans ce cas-là?
C’est parce qu’on vit toujours simultanément dans deux mondes. Le premier est régi par les normes sociales, et l’autre est régi par les normes du marché.
Qu’est-ce que les normes sociales?
C’est un concept que je connaissais déjà un peu, mais c’est en lisant le livre Predictably Irrational du chercheur en économie comportemental Dan Ariely que j’ai pu pousser ma réflexion.
Les normes sociales, ça englobe nos relations avec nos ami·es, notre famille, notre communauté. Dans cet univers-là, c’est correct de demander des services ou de rendre service sans s’attendre à un paiement en retour. On ne calcule pas non plus la valeur des services rendus.
On est pas en train de calculer ok un brunch maison équivaut à 5 boîtes et demi transportées durant mon futur déménagement, moins la fois que je suis allée la chercher à l’aéroport, plus la fois qu’elle a promené mon chien ok on est à 4 boîtes mais juste si c’est au premier étage.
Évidemment que si on a toujours l’impression d’être là pour l’autre et que c’est pas réciproque, ça risque d’abîmer la relation. Mais le calcul est informel.
Qu’est-ce que les normes du marché?
L’autre monde, c’est celui du marché. Pis cet univers-là est vraiment moins chill.
On va parler de contrats, d’échéanciers, d’intérêts, de valeurs, de prix, de profits, d’investissements. Pis on va clairement s’attendre à calculer l’échange monétaire.
C’est pas toujours mauvais, parce que si tu engages des déménageurs, tu le sais qu’ils vont être là, contrairement à tes amis qui peuvent annuler sans trop de conséquences. 🤷🏻♀️
Parfois, on a besoin de la certitude qui vient avec les normes du marché.
Quand les normes sociales et les normes du marché s’entremêlent
C’est là qu’on devient mal à l’aise. C’est là que la chicane pogne.
Imagine que tu vas sur une date. L’autre personne t’offre un verre, et c’est elle qui paye.
Deuxième date, cette même personne t’invite à souper, c’est encore elle qui paye. Elle te l’offre volontairement. Troisième date… la personne s’attend au moins à un french parce que là, ça fait deux fois qu’elle paye pour les dates.
Pas sûr que ça va bien se finir cette histoire-là! J’pense qu’on est assez d’accord que cette personne-là c’t’un trou de cul. 😬
Puis si on parle du travail du sexe, il y a des gens qui sont mal à l’aise avec ça. Pourquoi? Mettons que la travailleuse ou le travailleur fait ça se son plein gré, qu’il n’y a pas de pimps impliqués, que c’est son choix volontaire d’être payé en échange de services sexuels. Pourquoi y’en a qui sont pas confortables avec ça?
Pour plein de raisons, me diras-tu… mais entre autres parce que ça traverse la ligne entre les normes sociales et les normes du marché.
Quelques expériences réalisées sur les normes sociales versus les normes du marché
Dans son livre, Dan Ariely présente différentes expériences qui ont été faites pour mesurer la quantité d’effort ou de travail accompli pour la réalisation d’une tâche selon qu’on est dans les normes sociales ou les normes du marché.
Entre autres, une expérience a été faite durant laquelle l’équipe de chercheurs a demandé à des cobayes de réaliser une tâche simple. À l’ordinateur, la personne devait draguer des cercles dans une boîte durant une période de temps définie. Résultats:
- Le groupe auquel ils ont offert 5$ pour accomplir cette tâche a déplacé en moyenne 159 cercles.
- Le groupe auquel ils ont offert 0,50$ a déplacé en moyenne 101 cercles.
- Mais le groupe auquel ils ont demandé de le faire pour participer à une expérience parce que c’est important pour la recherche a déplacé en moyenne… 168 cercles, soit plus que les 2 autres groupes.
Une autre expérience qui a été faite, c’est un organisme qui a demandé à des avocat·es d’offrir des services à des personnes moins fortunées pour 30$/h. Ils ont tous dit non. Le même organisme a demandé si des avocat·es étaient prêt·es à représenter gratuitement des personnes dans le besoin. Certain·es ont dit oui.
Peut-être que tu trouves ça stupide. I mean 30$/h c’est mieux que 0$/h, right?
Le problème, c’est que quand on mentionne l’argent, les normes sociales quittent notre corps et on switch automatiquement dans une mentalité de normes du marché. C’est prouvé scientifiquement.
Si un montant d’argent est mentionné, on va calculer si on est assez bien payé. Si aucun montant n’est mentionné, on va faire la tâche parce que ça nous fait plaisir ou parce qu’on a l’impression de participer à une cause.
Est-ce préférable de donner un cadeau ou un montant d’argent?
L’équipe de Dan Ariely a refait l’expérience à l’ordinateur, et plutôt que d’offrir un montant d’argent, ils ont offert une barre de chocolat cheap, une boîte de chocolat de qualité, ou rien du tout.
Les 3 groupes ont performé de façon égale. Ils ont fourni un effort égal, peu importe la récompense. La conclusion, c’est que les cadeaux restent dans le domaine des normes sociales. C’est pour ça que si t’apportes un cadeau d’hôte, c’est okay, mais que si tu offres 20$, ça l’est pas. Pourtant, la valeur est similaire.
Ce qui est encore plus intéressant, c’est qu’ils ont testé si la mention du prix du cadeau offert avait un impact. Le résultat? Si on dit la valeur d’un cadeau, la personne tombe dans les normes du marché.
Une des conclusions que Dan Ariely tire, c’est de ne jamais mentionner la valeur d’un cadeau pour s’assurer de rester dans les normes sociales. Il conclut aussi qu’un monde avec moins de normes du marché et plus de normes sociales serait plus satisfaisant, créatif, épanouissant et amusant. Cool hein?
Mais bon c’est pas demain la veille qu’on va revenir au troc. Soooo….
Comment tu peux prendre ça en compte dans ton entreprise?
Frais de retard et pénalités
D’abord, il faut faire attention à ce que tu choisis de placer dans les normes du marché versus ce que tu choisis de garder dans les normes sociales. Par exemple, si tu fais des rencontres de groupes ou que tu offres un service en 1:1, tu pourrais décider qu’il y a une pénalité monétaire pour les gens en retard, ou tu pourrais garder ça dans le domaine des normes sociales et simplement mentionner que tu t’attends à ce que les gens soient à l’heure.
Si tu choisis d’imposer des frais pour les gens en retard, tu les places dans la position d’évaluer si c’est plus rentable pour eux d’être à l’heure ou pas. Tu les sors de la norme sociale qui dit que d’être à l’heure c’est une question de respect et de politesse. Est-ce que c’est vraiment ce que tu veux? Parce que plusieurs pourraient choisir d’être en retard et de payer… et toi ça va impacter la qualité de ton service et ton horaire.
Le même principe s’applique pour les fameux crédits carbone, ou les pénalités de pollution pour les compagnies. Demander à une entreprise de payer des frais si elle dépasse les seuils de pollution permis, c’est pas une bonne idée. Parce que plutôt que de respecter le seuil parce que c’est la bonne chose à faire, l’entreprise est mise dans la position des normes du marché dans laquelle elle évalue si c’est plus profitable pour elle de mettre en place des politiques de réduction de la pollution, ou de juste payer les frais.
Tu veux connaître des façons d’améliorer ta relation avec ta clientèle? Écoute l’épisode 9 : 3 piliers pour gagner la confiance des autres.
Cadeau versus rabais
Pour remercier ta clientèle, ce sera plus bénéfique pour la relation de lui offrir un cadeau plutôt que de leur offrir un rabais. Évidemment, tu dois éviter de mentionner la valeur monétaire de ce cadeau. Sinon, tu te remets dans les normes du marché.
Par contre, si tu choisis de rester dans les normes sociales, il faut être prudent·e. Un des bénéfices pour les entreprises qui traitent leurs employées ou leurs clientèles comme des membres de la famille c’est d’obtenir leur loyauté…
Mais le jour où cette entreprise-là va faire un pas à côté des normes sociales pour entrer dans les normes du marché, ça va être perçu comme une grande trahison et la relation va probablement se terminer en très mauvais terme. 😬
Ce que j’entends par là, c’est qu’on ne charge pas de frais de retard à un membre de la famille. On est disponible pour sa famille. On est compréhensif sur l’annulation d’un rendez-vous… Donc si tu veux les avantages qui viennent avec les normes sociales, tu dois aussi honorer ces normes.
T’as sûrement déjà entendu y’a pas d’amis en affaires. Tu peux aussi te dire que dans certains cas, c’est plutôt qu’il doit pas y avoir d’affaires entre amis. Je pense plutôt qu’il faut savoir tracer la ligne entre les deux.
Lorsque tu es le client ou la cliente
Et dans une échange où c’est toi le consommateur ou la consommatrice, et que l’entreprise utilise des mots comme “t’es un membre de la famille; on va être là pour toi”, questionne-toi à savoir si cette entreprise va vraiment être là pour toi, ou si ce qu’elle cherche c’est ta loyauté et ta compréhension, mais que cet échange-là ne sera jamais vraiment réciproque.
Mentionnés dans l’épisode
- La théorie et les expériences présentées dans l’épisode proviennent du livre Predictably Irrational, de Dan Ariely
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Est-ce que cet épisode t’a fait réfléchir à ta relation avec ta clientèle et tes collaborateurs et collaboratrices? Tu peux poursuivre la conversation en commentaires.
Petit mot sur la transcription des épisodes de podcast.
Je me suis questionné sur les fameuses transcriptions des épisodes et j’ai testé différentes solutions. Monétairement, je n’ai pas les moyens de payer une application et/ou des gens pour faire un travail de qualité. J’ai donc testé des options gratuites et la qualité était pourrie. Il faut réviser manuellement et j’ai testé que c’est environ 4 heures par épisode.
Je n’ai donc ni les ressources en argent ni les ressources en temps pour me permettre d’avoir des transcriptions. Je suis consciente du problème d’inclusivité ici, pour les personnes avec un problème d’audition. Je vous vois, mais pour l’instant j’ai pas de solutions.
Je m’assure par contre d’écrire des shownotes sous forme d’articles de blogue avec le contenu important des épisodes. Merci de ta compréhension. 💜
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